La cryptoéconomie semble faire l’objet de tous les intérêts. Au moment où les sociétés privées, telles que Facebook, Mastercard ou Visa s’allient pour créer la Libra, les régulateurs de la finance traditionnelle discutent de leur avenir dans l’écosystème des cryptomonnaies.  C’est lors de la conférence organisée par la Community Banking, qui a eu lieu à Saint-Louis du 1er au 2 octobre, que Patrick Harker a annoncé que la création de cryptomonnaies par les banques centrales était une chose inévitable.

L’aveu de faiblesse de la finance traditionnelle

C’est le président de la Réserve Fédérale de Philadelphie qui en fait lui-même la suggestion, devant l’auditoire de la conférence de la Community Banking, à Saint-Louis (USA), en début d’octobre : les banques centrales doivent se lancer dans la création de leurs propres cryptomonnaies. Pour lui, l’avenir de la monnaie sera numérique et les instituions de régulation ne peuvent pas se permettre de rester en rade s’agissant d’une si grande avancée dans le domaine de la finance.

« Je regarde les 5 prochaines années à venir. Et qu’est-ce qu’il y a ensuite ?  Je pense que c’est quelque chose qui aura un rapport avec la monnaie numérique (ou digital) », a affirmé Harker. « C’est inévitable … Je pense qu’il est préférable pour nous de commencer à mettre la main à la pâte », a-t-il poursuivi.

Crypto et Dollars
Source : Federcitrus.org

Même si le chef de la Fed de Philadelphie parle de la nécessité de se mettre à hauteur des nouveaux acteurs de la cryptomonnaie, il ne perd pas de vue pour autant que la nouvelle finance basée sur les échanges de monnaies numériques est encore balbutiante, qu’elle a besoin de mûrir et que les États-Unis ne pourrait être en aucun cas la première nation à passer le cap.

Pour l’heure, la Réserve Fédérale n’a pas officiellement annoncé la création d’une monnaie numérique, mais celle d’un service de paiement instantané du nom de FedNow. Un tel service devrait permettre de renforcer l’efficacité des banques en leur permettant de procéder à des paiements en temps réel et à l’endroit de leurs clients. Le lancement de FedNow est prévu pour la période 2023-2024.

La Libra et les autres cryptomonnaies font peur aux régulateurs

Les cryptomonnaies pourraient empêcher les banques centrales d’avoir un poids suffisant pour mener à bien leurs politiques monétaires. 

Les conclusions de la conférence qui s’est tenue à Philadelphie expliquent le danger que représentent les cryptomonnaies, dont celles émises par des entités privées : « À mesure que les consommateurs adoptent la Libra, davantage de dépôts pourraient migrer sur la plateforme [numérique], ce qui réduirait effectivement les liquidités, et cette désintermédiation pourrait se développer davantage pour englober les services de prêt et d’investissement ».

L’inquiétude des banques centrales et leur besoin de garder le contrôle de leurs monnaies nationales, est donc très loin d’être imaginaire. Si les agents économiques venaient à accorder une entière confiance aux cryptomonnaies, en convertissant la plus grande partie de leurs avoirs, les régulations monétaires par injection ou restriction de liquidités n’auraient plus aucune raison d’être. Sans une telle régulation, les banques centrales ne possédant pas suffisamment d’actifs numériques perdraient toute leur crédibilité.

Dans cet ordre, des devises telles que le dollar ou l’euro pourraient d’ailleurs être menacées à long terme. 

Les cryptommonnaies en coin physique
Source : Moneyandmarkets.com

Les États Unis ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Mu Changchun, le responsable de questions liées aux cryptomonnaies en Chine a fait une déclaration totalement en phase avec celle de Harker : « Si nous permettons à la Libra d’entrer sur le marché, nous ouvririons les canaux économiques souterrains »

La BRI (Banque des Règlements Internationaux) s’est aussi jointe aux discussions, en accordant tout son soutien aux banques centrales face à l’essor d’initiatives privées semblables à la Libra de Facebook, et tout en envisageant un développement de monnaies numériques qui seraient soutenues par les monnaies fiduciaires des États.

Une bataille pour le « contrôle » des cryptomonnaies semble de plus en plus se profiler. Il reste à savoir qui, parmi tous les groupes d’acteurs économiques et financiers, va finir par la remporter.